QUBIC : une revue technique juge « impressionnantes » les avancées du projets

Fin janvier, le télescope millimétrique QUBIC a passé avec succès une revue demandée par l’IN2P3. Cette évaluation met en avant les « progrès impressionnants » apportés par le démonstrateur technologique et son potentiel pour la cosmologie.

L’instrument QUBIC dans le hall d’intégration de l’APC (Paris)

La quête de la polarisation en mode B du fond diffus cosmologique (CMB) est l’un des défis majeurs de la cosmologie observationnelle, car celle-ci signerait la présence d’ondes gravitationnelles primordiales, théoriquement attendues de l’ère de l’inflation. C’est également l’un des plus difficiles, car le signal attendu est très petit et nécessite des instruments de grande sensibilité avec peu de biais systématiques et avec une large couverture de fréquence afin de séparer le signal primordial des émissions d’avant-plan.

QUBIC (QU Bolometric Interferometer for Cosmology) est un instrument basé sur un nouveau concept instrumental : l’interférométrie bolométrique. L’objectif de QUBIC est la recherche du mode B à partir des modes de polarisation Q et U et réunit les avantages des bolomètres refroidis à très basse température en termes de sensibilité et ceux des interféromètres en termes de contrôle des effets systématiques instrumentaux et de spectrométrie. L’idée originale date du début des années 2000 et, depuis, les physiciens français ont eu un rôle moteur dans son exploration et dans l’exploitation des nouveautés qu’elle apporte. Après quelques projets initiaux, la collaboration QUBIC a été créée en 2008. De nouveaux développements techniques au laboratoire millimétrique de l’APC, au CSNSM-IJCLab à Orsay ont permis la réalisation de détecteurs de pointe, créant un pôle d’excellence avec une forte activité instrumentale dont a bénéficié un grand nombre d’ingénieurs, techniciens, chercheurs et doctorants, en particulier sur le site de l’APC – Université de Paris.

Le démonstrateur technologique (DT), identique à l’instrument nominal mais avec moins de détecteurs et de voies d’interférométrie, a été intégré en 2018 à l’APC et y a connu une phase de tests tout au long de 2019. Il a vocation à être installé sur le site de QUBIC à 4800 m d’altitude dans la province de Salta en Argentine. Construit par des laboratoires de l’IN2P3/Université de Paris/Paris-Saclay, en collaboration avec des laboratoires italiens, irlandais, britanniques et argentins, le démonstrateur technologique de QUBIC vient de passer avec succès, le 28 janvier 2020, une revue demandée par l’IN2P3-CNRS, tutelle principale de l’APC, avec l’Université de Paris. La revue a montré l’innovation apportée par le démonstrateur technique de ce premier télescope à interférométrie bolométrique et son potentiel pour la cosmologie.

Extraits de la synthèse des présentations scientifiques du groupe de revue, incluant des experts internationaux, sur le contexte général :

« La nature interférométrique du faisceau synthétisé entraîne une variation de son motif à plusieurs pics en fonction de la longueur d’onde millimétrique. Par conséquent, QUBIC aurait une sensibilité spatiale et spectrale, il est conçu comme un spectro-imageur capable de mesurer jusqu’à 5 sous-bandes dans chacune des bandes de fréquence accessible au détecteur, offrant une résolution de spectre électromagnétique supplémentaire par rapport aux traditionnels imageurs. Cette caractéristique unique pourrait changer la donne dans le contexte actuel d’une forte limitation aux observations en mode B due à l’avant-plan (poussières, synchrotron) dont le comportement spectral n’est pas connu et pourrait s’éloigner considérablement d’une loi de puissance (ce qui est généralement supposé dans toute séparation de composants jusqu’à présent).

Le site cible d’installation QUBIC à Alto Chorillos en Argentine est un excellent compromis entre d’une part les conditions atmosphériques (humidité, stabilité) similaires à celles de l’Atacama voisine et peu dégradé par rapport à un site en Antarctique et d’autre part une accessibilité possible à presque toute l’année, incomparable à celle d’un site antarctique. »

Site de QUBIC à 5000m d’altitude à Alto Chorillos, près de San Antonio de los Cobres province de Salta en Argentine. On distingue le volcan Tuzgle en arrière-plan

Dans les remarques générales des conclusions, les progrès réalisés au cours des deux dernières années sont considérés impressionnants. Le démonstrateur est évalué comme convaincant et réussi, étant donné que les capacités de polarisation et de spectroscopie du concept se sont avérées excellentes et en particulier, la capacité de spectroscopie est de la plus grande utilité pour la caractérisation et l’analyse de l’avant-plan.

Plusieurs instruments installés sur divers sites sont déjà en cours d’observation du CMB à la recherche du signal du mode B de la polarisation. La force de ce signal est résumée par le rapport « r » entre les amplitudes des modes tenseur et scalaire de perturbation de la métrique de l’Univers primordial. Comme l’explique le porte-parole du projet Jean-Christophe Hamilton, a sensibilité et la statistique de QUBIC, une fois opérationnel, sera moindre que certains d’entre eux. Mais l’approche différente des effets systématiques et de la soustraction de l’avant plan pourrait être décisive pour la découverte ou la confirmation d’un signal attendu extrêmement faible. La nouvelle technologie de QUBIC vise à s’insérer dans les grands détecteurs de la génération suivante via un programme de déploiement et d’accroissement de la sensibilité sur plusieurs années.

Concernant la phase actuelle de QUBIC, Michel Piat, physicien responsable de l’instrument, indique que les étapes suivantes envisagées sont la finalisation des tests à l’APC, l’envoi du DT en Argentine et la mise en route (commissioning) sur le ciel (qui subira les retards dus à la crise sanitaire malheureusement). Suivra la mise à niveau vers l’instrument complet, qui aura une sensibilité, avec 2 ans de données de sigma(r) = 0.01 correspondant à la sensibilité que la communauté CMB appelle Stage III.

Sur le plus long terme, de potentielles futures évolutions de QUBIC sont d’ores et déjà envisagées afin d’atteindre la sensibilité Stage IV (sigma(r) = 0.001) d’ici à quelques années :

  • sur le cryostat actuel: un gain en sensibilité (~x5) et en capacités spectrales avec une optique multimodes;
  • d’autres cryostats semblables multipliant d’autant la sensibilité;
  • installation d’un interféromètre bolométrique similaire au foyer de l’antenne 12m LLAMA ouvrant l’accès à la physique de la polarisation aux petites échelles angulaires (masses et nombre de neutrinos, Énergie Sombre, physique des amas de galaxies).

Plus d’informations sur le site de QUBIC.

QUBIC a reçu un financement du Labex UnivEarthS par le projet Frontière F2.