Détection d’un signal de gravité avant l’arrivée des ondes sismiques lors du tremblement de terre de Tohoku-Oki (11 mars 2011, magnitude 9.0)

Une modification du champ gravitationnel terrestre produite pendant une rupture sismique vient d’être pour la première fois détectée pendant le tremblement de terre de Tohoku-Oki, qui s’est produit le 11 mars 2011 avec une magnitude 9.0. Ce travail est le fruit d’une collaboration internationale comprenant des chercheurs de l’Institut de physique du Globe de Paris (IPGP, IPGP / CNRS / UPD / Université La Réunion) et du laboratoire Astroparticule et cosmologie (APC, CNRS / UPD / CEA / Observatoire de Paris / CNES), membres de l’équipe UnivEarthS E3 “Géophysique et détecteur d’ondes gravitationnelles“. Cette nouvelle possibilité de détecter un changement de gravité avant l’arrivée des ondes sismiques pourrait contribuer à terme à améliorer les systèmes d’alerte précoce aux tremblements de terre.

En plus de générer des ondes sismiques qui se propagent à partir de la source dans tout le milieu environnant, les tremblements de Terre s’accompagnent d’une redistribution de masse importante qui génère des modifications significatives du champ gravitationnel terrestre. Alors que les ondes sismiques se propagent dans le milieu à une vitesse de quelques kilomètres par seconde, le champ gravitationnel est lui perturbé de manière quasi instantanée (à la vitesse de la lumière). Une modification du champ gravitationnel avait déjà été détectée longtemps après l’occurrence d’un séisme alors que le champ avait atteint un nouvel équilibre, mais jamais encore pendant la rupture, au moment de la perturbation du champ et avant l’arrivée des ondes sismiques au détecteur.

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Représentation de la rupture lors du tremblement de terre de Tohoku-Oki, dont l’hypocentre (étoile rouge) est représenté sur l’interface de subduction. Sont représentés 1) la propagation des ondes sismiques dans la Terre 10 secondes après l’initiation de la rupture, délimitée par la sphère (zoom en haut à droite) et 2) la distribution de l’anomalie de gravité (carte superposée à la topographie, en haut à gauche). © Joël Dyon, IPGP, 2016

Dans l’espoir de détecter un tel signal, une équipe internationale comprenant des chercheurs de l’IPGP et de l’APC s’est intéressée au méga-séisme de magnitude 9.0 de Tohoku-Oki au Japon, qui s’est produit le 11 mars 2011. Les chercheurs ont réalisé une analyse statistique des données enregistrées par le gravimètre supraconducteur de Kamioka au Japon, situé à environ 500 km de l’épicentre, et complétées par des données de sismomètres large-bande du réseau japonais F-net. Ils ont ainsi pu mettre en évidence un signal de gravité lié à la rupture sismique, avec une signification statistique supérieure à 99 % et en accord avec un modèle analytique du signal de gravité.

Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives. Ce signal pourrait en effet être utilisé par les systèmes d’alerte rapide aux tremblements de terre, dits EEWS (earthquake early warning system). Actuellement, les EEWS reposent sur la détection des ondes sismiques de compression P, qui arrivent avant les ondes de cisaillement S très destructrices. Ce décalage des temps d’arrivée (de seulement quelques secondes à proximité de la rupture) est exploité pour alerter la population locale et protéger les équipements et infrastructures à risque (coupure de l’eau, de l’électricité et du gaz, arrêt des trains, des ascenseurs…). Le signal du champ de gravité concomitant à la rupture pourrait permettre de gagner de précieuses secondes avant l’arrivée des ondes sismiques P. Il pourrait également permettre de déterminer la magnitude exacte d’un séisme dès la fin de la rupture, alors que les méthodes actuelles prennent plusieurs dizaines de minutes.

Toutefois, l’implémentation d’un système d’alerte utilisant la gravité nécessitera le développement de nouveaux instruments capables de mesurer le champ de gravité terrestre de manière beaucoup plus précise que les instruments actuels. De tels instruments pourraient venir de la physique fondamentale.

Ce travail a été en partie financé avec le support du Labex UnivEarthS, de l’ANR ainsi que d’une bourse de thèse IDEX-USPC double-culture.

 

Source(s):

Prompt gravity signal induced by the 2011 Tohoku-Oki earthquake. Jean-Paul Montagner, Kévin Juhel, Matteo Barsuglia, Jean Paul Ampuero, Eric Chassande-Mottin, Jan Harms, Bernard Whiting, Pascal Bernard, Eric Clévédé & Philippe Lognonné, Nature Communications, doi:10.1038/ncomms13349

 

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Source de l’article: Actualités du CNRS-INSU