De nouveaux signaux précoces pour quantifier la magnitude des forts séismes

Hideo Kurihara/Alamy Stock Photo

Depuis plusieurs années, le groupe Virgo de l’APC est impliqué dans l’étude des synergies possibles entre la géophysique et les détecteurs terrestres d’ondes gravitationnelles. Les phénomènes géophysiques engendrent des perturbations de la gravité “newtonienne”. Si celles-ci ne sont pas des ondes gravitationnelles, des intérêts communs, en particulier sur les techniques de mesure, rapprochent les deux communautés. Les études publiées dans Nature Communications en 2016 (Montagner et al.) et dans Science (Vallée et al.) prennent leur origine dans un projet d’ APC et IPGP en collaboration avec des chercheurs aux US et en Italie, dans le cadre du Labex UnivEarthS.

L’APC et l’IPGP collaborent aussi dans le cadre du projet ANR « E-GRAAL » (Earthquake GRavity Alerts), dont le but est l’étude de la faisabilité d’un système d’alerte rapide des tremblements de terre basé sur ces signaux de gravité.

 

De nouveaux signaux précoces pour quantifier la magnitude des forts séismes

 

A la suite d’un tremblement de terre, une perturbation du champ de gravité se produit quasi-instantanément, et pourrait donc être enregistrée avant les ondes sismiques habituellement analysées par les sismologues. Dans une étude publiée dans la revue Science le 1er décembre 2017, une équipe constituée de chercheurs du CNRS, de l’IPGP, de l’université Paris-Diderot[1] et de Caltech, est parvenue à observer ces faibles signaux liés à la gravité et à comprendre leur origine. De par leur sensibilité à la magnitude des séismes, ces signaux peuvent jouer un rôle important car ils permettraient d’identifier très rapidement si un tremblement de terre sera fort ou pas.

Ce sujet d’étude est né de l’interaction entre des sismologues voulant mieux comprendre les séismes et d’astrophysiciens développant des mesures fines de la gravité en vue de la détection des ondes gravitationnelles. Les tremblements de terre changent brutalement l’équilibre des forces dans la Terre et émettent ainsi des ondes sismiques dont les conséquences peuvent être dévastatrices. Mais ces mêmes ondes ont aussi l’effet de perturber faiblement le champ de gravité terrestre, ce qui est à l’origine de l’émission d’un autre signal. Ce dernier est particulièrement intéressant dans une perspective de quantification rapide des séismes car il se transmet à la vitesse de la lumière, contrairement aux ondes sismiques qui se propagent à des vitesses entre 3 et 10 km/s. Ainsi, pour une station située à 1000 km de l’épicentre, les sismomètres peuvent potentiellement détecter ce signal plus de deux minutes avant l’arrivée des ondes sismiques.

Les travaux présentés ici, qui font suite à la première mise en évidence de ce signal2, permettent d’en approfondir grandement les connaissances. Dans un premier temps, les scientifiques sont en effet parvenus à observer ces signaux sur les données d’une dizaine de sismomètres situés entre 500 et 3000 km de l’épicentre du séisme du Japon de 2011 (magnitude 9.1). A partir de leurs observations, les chercheurs ont ensuite démontré que ces signaux sont dus à deux effets. Le premier effet est le changement de gravité se produisant à l’emplacement du sismomètre, qui modifie la position d’équilibre de la masse de l’instrument. Le deuxième effet, indirect, est dû au changement de gravité partout dans la Terre, qui perturbe l’équilibre des forces et produit de nouvelles ondes sismiques qui atteindront le sismomètre.

En prenant en compte de ces deux effets, les chercheurs ont montré que ce signal lié à la gravité est très sensible à la magnitude du tremblement de terre, ce qui fait de lui un bon candidat pour quantifier rapidement la magnitude des forts séismes. Le défi futur est de parvenir à exploiter ce signal pour des magnitudes inférieures à 8-8.5 car en-dessous de ce seuil, le signal est trop faible par rapport au bruit sismique naturellement émis par la Terre, et le dissocier de ce bruit est compliqué. Plusieurs technologies, dont certaines inspirées des instruments développés pour la détection des ondes gravitationnelles, sont ainsi envisagées pour faire un nouveau pas en avant dans la détection de ces précieux signaux.

 

Références :

Observations and modeling of the elastogravity signals preceding direct seismic waves. Martin Vallée, Jean Paul Ampuero, Kévin Juhel, Pascal Bernard, Jean-Paul Montagner, Matteo Barsuglia. Le 1 décembre 2017, Science, DOI : 10.1126/science.aao0746

 

Contacts :

Chercheur IPGP | Martin Vallée | T 06 01 82 45 30 | vallee@ipgp.fr

Presse CNRS |Anaïs Culot | T 01 44 96 43 09 | anais.culot@cnrs.fr

[1] Les laboratoires français impliqués dans cette étude sont :

  • l’Institut de physique du globe de Paris (CNRS/IPGP/Université Paris-Diderot)
  • le laboratoire Astroparticule et cosmologie (CNRS/Université Paris-Diderot/CEA/Observatoire de Paris)

2 J.-P. Montagner et al., Nat. Commun. 7, 13349 (2016).