Grâce à Borexino et aux neutrinos, on connaît aujourd’hui le soleil avec des détails sans précédents

 

Les scientifiques de la Collaboration Borexino ont publié l’analyse la plus complète à ce jour des neutrinos issus des processus de fusion nucléaire dans le Soleil. Grâce à l’observatoire des “particules fantômes” presque invisibles, situé à 1400 mètres sous la surface de la terre dans le massif du Gran Sasso près de Rome, pour la toute première fois ils ont pu montrer le spectre complet des neutrinos du Soleil et détecter sans aucun doute les neutrinos d’une réaction jusqu’alors non confirmée. Les contributions de l’équipe de recherche de l’APC (Laboratoire astroparticule et cosmologie, CNRS/Université Paris Diderot/ CEA/Observatoire de Paris) ont été déterminantes dans cette réussite. Les résultats sont publiés dans la revue Nature dans le numéro du 25.10.2018.

 

Depuis plus de dix ans, l’expérience Borexino observe les neutrinos produits dans des réactions nucléaires au cœur du Soleil, permettant de comprendre le détail de la production d’énergie de notre étoile. Borexino, installée dans Laboratoire souterrain du Gran Sasso (Italie), publie aujourd’hui, le 25 octobre 2018 dans la revue Nature, le « compendium » de ses résultats sur les neutrinos solaires. Avec cette publication, Borexino couronne une longue histoire de mesures qui a conduit à étudier le mécanisme de production d’énergie dans le Soleil, et également le phénomène appelé « oscillation des neutrinos », c’est-à-dire la transformation des neutrinos d’une famille dans une autre.

 

« Les résultats publiés aujourd’hui, dit Gianpaolo Bellini, professeur à Milan, sont le point d’orgue d’une histoire commencée à la fin des années 80, lorsque Borexino fut conçu pour résoudre le problème alors non résolu des neutrinos solaires » (les premières expériences observaient moins de neutrinos que ne le prédisaient les modèles du Soleil). « Les résultats sont allés bien au-delà des prévisions initiales, même les plus optimistes », conclut Bellini.

 

Plongé dans le silence cosmique du laboratoire souterrain du Gran Sasso, le détecteur Borexino a démontré, dès son démarrage en mai 2007, un niveau de radioactivité interne si faible qu’il lui confère une position unique parmi les nombreuses expériences existantes. Cette particularité est à l’origine des nombreux résultats accumulés depuis 10 ans, qui vont bien au-delà des objectifs initialement fixés. En effet, conçu pour mesurer uniquement le flux des neutrinos solaires dits du béryllium-7 (7Be) parmi ceux produits le long de la chaîne de réactions appelée « proton-proton » ou pp (séquence de réactions nucléaires initiée par la fusion de deux protons au cœur du Soleil où la température est suffisamment élevée), Borexino a progressivement élargi sa sensibilité expérimentale, pour couvrir la gamme complète des neutrinos de la séquence.

 

Les caractéristiques uniques des mesures réalisées par Borexino, à savoir l’analyse spectroscopique en temps réel du flux de neutrinos du Soleil, sont présentées dans la publication de Nature, avec une grande nouveauté : les différentes composantes des neutrinos sont ici mesurées simultanément, et non séparément comme lors des analyses précédentes, le tout avec une précision bien meilleure. La mesure précise et simultanée dans une seule expérience des flux de neutrinos appelés pp, béryllium-7, pep et bore-8, ainsi que la limite sur le flux minuscule de neutrinos hep plus énergétiques, provenant de la chaîne pp, permet à Borexino de conforter avec succès notre compréhension du fonctionnement de notre étoile, ces réactions nucléaires qui la font briller depuis plus de 4 milliards d’années.

 

En outre, la comparaison de ces données expérimentales de haute précision avec les prévisions du Modèle Standard du Soleil permet à Borexino de démontrer l’existence dans la région basse énergie de l’oscillation entre neutrinos de saveur différente par l’effet MSW (Mikheyev-Smirnov-Wolfenstein), un effet propre aux neutrinos solaires. Borexino souligne, en utilisant seulement ses propres données, la transition particulière entre les deux régimes de « vide » et « matière » qui représente la signature de l’effet MSW.

 

« Avec la mesure simultanée et de haute précision des flux de neutrinos solaires de la chaîne pp par le même détecteur, explique Gioacchino Ranucci, co-porte-parole de l’expérience, Borexino est le seul détecteur qui réussit seul à mettre en évidence ce qui alimente le moteur du Soleil (et donc les étoiles) et le phénomène d’oscillation des neutrinos ». « Avec les mesures de Borexino, ajoute Marco Pallavicini, l’autre co-porte-parole de Borexino, l’hypothèse du fonctionnement du Soleil à travers les réactions nucléaires de la chaîne pp, proposée dans les années 30, trouve sa consécration expérimentale définitive ».

 

L’expérience Borexino, née de la coopération entre l’Italie, l’Allemagne, la France, la Pologne, les Etats-Unis et la Russie, a été construite en exploitant des techniques de pointe inégalées, en particulier dans le domaine de la faible radioactivité des matériaux.

 

L’équipe française du laboratoire Astroparticule et Cosmologie (APC) a apporté une contribution fondamentale à ce résultat, en mesurant le flux de neutrinos solaires du bore-8. Avec une approche originale et ambitieuse, l’équipe d’APC a analysé, pour la première fois, l’ensemble de la cible du scintillateur (300 tonnes), y compris la région extérieure (200 tonnes) où le bruit de fond est supérieur de plusieurs ordres de grandeur vau centre. Grâce à un modèle de fond très précis, une telle analyse a permis d’augmenter de plus de 10 fois la statistique utilisée précédemment, réduisant l’incertitude de plus d’un facteur 2.

 

En France, Borexino est soutenue par l’IN2P3, le laboratoire APC, le LabEx UnivEarthS et l’Université Sorbonne Paris Cité.

 

Publication :

Comprehensive measurement of pp-chain solar neutrinos
M. Agostini, K. Altenmüller, S. Appel et. al.
Nature volume 562, pages 505-510 (2018),

DOI: 10.1038/s41586-018-0624-y

 

Contact :

Davide Franco, laboratoire APC : dfranco@in2p3.fr