Détecteurs à inductance cinétique : trouver la lumière, un photon à la fois

Jie Hu travaille depuis 2 ans en tant que chercheur en post-doc au laboratoire AstroParticule & Cosmologie sur la nouvelle génération de détecteurs à inductance cinétique, une technologie prometteuse pour développer des instruments d’astronomie ultra-précis. Un projet qui a reçu un financement du LabEx UnivEarthS.

Comment observer ce qui est à peine visible ? Cette question est au cœur de l’astronomie et de l’astrophysique instrumentale. Dans ces domaines, n’importe quelle infime source de lumière (et leurs variations) issue de phénomènes astrophysiques infiniment éloignés, peuvent nous en dire plus sur notre univers. Ainsi, chaque photon compte.

 Mais non seulement il faut capturer le plus de lumière possible (en utilisant des télescopes avec de très grands miroirs), mais il est aussi important de regarder la manière dont les photons sont captés par le détecteur. Un détecteur efficace devrait idéalement être capable de collecter le plus d’informations possibles pour chaque unique photon capté. C’est justement ce dont devrait être capable les détecteurs à inductance cinétique (ou KID pour Kinetic Inductance Detector).

Cette technologie offre de nombreux avantages : elle est rapide, ne capte que très peu de bruit, est facile à construire, et peut être facilement intégrés dans les grands réseaux de télescopes. C’est pourquoi les KIDs sont développés pour de nombreuses applications, allant de l’astronomie millimétriques à celles des rayons X. C’est aussi pourquoi le développement des KIDS constitue l’un des projets soutenus par le LabEx UnivEarthS, en finançant, entre autre, un poste de chercheur en postdoctorat.

Jie Hu est astrophysicien instrumentaliste en post-doc au laboratoire AstroParticule & Cosmologie (APC, Université de Paris / CNRS / CEA) depuis 2018. Il a reçu son doctorat l’année précédente l’Observatoire de la Montagne Pourpre à Nankin, le plus ancien observatoire encore en fonctionnement de Chine.

Depuis les deux dernières années, Jie Hu travaille, avec ses collègues de l’APC et du laboratoire Galaxies, Etoiles, Physique, Instrumentation (GEPI, Observatoire de Paris / CNRS), sur la nouvelle génération de KIDs et sa ligne de détection.

Deux détecteurs sont actuellement en cours de développement : le premier, détectant des photons dont la fréquences est de l’ordre des microondes, permettrait de mesurer la polarisation du Fond Diffus Cosmologique, tandis que le second, de l’ordre des infrarouges au spectre visible, servirait à la détection des galaxies lointaines. Mais comment fonctionne un détecteur KID ?

« Un détecteur KID est à un résonateur supraconducteur sur un circuit électrique, explique Jie Hu. Quand le matériel supraconducteur absorbe un photon, cela provoque un décalage de la fréquence de résonnance du circuit. Si on est capable de mesurer ce décalage de fréquence, on peut alors non seulement rapidement détecter un photon unique, mais également mesurer l’énergie de ce photon incident. C’est plutôt chouette. »

Qui dit supraconducteur, dit température extrêmement basse. Les équipes de l’APC et du GEPI ont choisi, pour leur nouveau KIDs de l’ordre de l’infrarouge et du visible, de construire le circuit en aluminium et en or. Ces matériaux imposent qu’ils soient refroidis à une température inférieure à 1K, afin que leurs propriétés supraconductrices émergent. Le cryostat utilisé au laboratoire APC pour les tests et les caractérisations du détecteur peut même atteindre les 50mK.

Pour le moment, ce nouveau modèle de KID n’a pas pu détecter l’absorption d’un photon unique. « Une manière de quantifier l’efficacité du détecteur est de mesurer sa résolution en énergie, précise Jie Hu. Celle-ci doit être supérieure à 10 afin de détecter un photon unique. Pour le moment, la meilleure résolution en énergie qu’on ait réussi à mesurer pour nos KIDs est autour de 9. On est proche, mais il y a encore du travail à accomplir. »

Un travail qui a connu quelques retards à cause de la pandémie actuelle de Covid-19. « C’était difficile de travail depuis chez soi, parce que sans l’équipement, il est impossible de faire des mesures, le chercheur raconte. Nos collègues du GEPI ne pouvaient pas construire des nouvelles puces pour KID, et nous autre à l’APC ne pouvions pas travailler à la caractérisation de sa ligne de détection. Je devais me focaliser sur les tâches que je pouvais faire à distance, comme travailler sur le design de la puce ou l’analyse des données. » Maintenant qu’ils sont de retour au laboratoire, l’équipe espère livrer un détecteur fonctionnelle pour l’année prochaine.

En plus de son activité de recherche, Jie Hu travaille également à la construction d’une collaboration active dans le développement des KIDs entre l’équipe parisienne de l’APC et du GEPI, et le laboratoire Energetic Cosmos Laboratory (ECL, Nazarbayev University) au Kazakhstan. Le jeune chercheur s’y est par ailleurs déjà rendu à rendu à deux reprises dans le cadre de son travail.

« J’aime beaucoup mon travail ici à l’APC. J’ai beaucoup de liberté sur la manière dont je gère mon temps et mes recherches. J’ai aussi pu me lier d’amitiés avec mes collègues et mon responsable. » Quand il n’est pas au labo, Jie Hu aime courir et visiter les musées parisiens. « J’aime beaucoup la ville, particulièrement en ce moment après être resté aussi longtemps chez moi. »