Explorer l’Univers primordial avec le Q&U Bolometric Interferometer for Cosmology.

QUBIC est un télescope d’un type totalement nouveau, basé sur le concept de l’Interférométrie Bolométrique, destiné à sonder la physique de l’Univers primordial, quelques fractions de secondes après le Big-Bang, via la mesure des modes-B de polarisation du fond diffus cosmologique. QUBIC sera installé sur son site d’observation à 5000 m d’altitude près de San Antonio de los Cobres début 2023. L’instrument est arrivé à Salta en juillet 2021 et est en cours de tests dans le hall d’intégration construit pour QUBIC sur le site de la CNEA à Salta (Comisíón Nacional de Energía Atómica). Les tests ont confirmé que l’instrument n’a pas été endommagé durant le voyage et fonctionne conformément aux spécifications.

Le 21 avril 2022, une édition spéciale du Journal of Cosmology and Astroparticle Physics, exclusivement consacrée à QUBIC, est publiée avec 8 articles qui décrivent le concept instrumental, présentent les résultats des tests de laboratoire sur le fonctionnement de tous ses composants et les données scientifiques capacités de l’instrument.

Contexte scientifique

Malgré les progrès impressionnants obtenus ces dernières décennies en cosmologie, c’est-à-dire en ce qui concerne notre compréhension de l’Univers, plusieurs questions profondes demeurent : qu’est-ce que la matière noire ? Qu’est-ce que l’énergie sombre ? Que s’est-il passé aux tout premiers instants de l’Univers ? QUBIC tente de répondre à cette dernière question. La théorie de l’inflation cosmologique a été proposée dans les années 1980 pour offrir un mécanisme expliquant l’absence de courbure observée pour l’espace-temps ainsi que l’extrême homogénéité de la densité de matière dans l’Univers. Plus intéressant encore, l’inflation fournit un mécanisme physique permettant de produire les fluctuations primordiales de densité dans l’Univers, à savoir les graines qui donneront plus tard lieu à la formation des grandes structures (amas de galaxies, galaxies, systèmes stellaires).

Cette inflation en une période au cours de laquelle l’Univers aurait connu une expansion très rapide, aux alentours de 10-35 secondes après le Big-Bang. Il s’agit donc de l’Univers “très” primordial.

Si toutes les observations à ce jour sont compatibles avec la théorie de l’inflation, nous n’avons pas pour autant une preuve “directe” qu’elle ait réellement eu lieu. C’est précisément cette preuve que recherche QUBIC. En effet, si l’inflation a eu lieu, les calculs montrent qu’elle doit avoir laissé d’infimes traces sous la forme d’ondes gravitationnelles primordiales qui devraient elles-mêmes laisser leur empreinte dans le fond diffus cosmologique1 sous la forme d’un certain type de polarisation de la lumière appelé “mode-B” pour lesquels aucun autre mécanisme ne permet de les produire de manière “primordiale”. Si les modes-B primordiaux de polarisation étaient détectés, ce serait la preuve directe de la phase d’inflation, un résultat majeur en cosmologie, avec des conséquences profondes sur la physique des particules. L’étude de la forme de ces modes-B permettrait d’étudier la physique fondamentale à des énergies impossible à atteindre pour des siècles pour les accélérateurs de particules.

La recherche des modes-B de polarisation est cependant un défi considérable pour les astrophysiciens, car le signal attendu est très faible, nécessitant des détecteurs ultra-sensibles, des instruments de mesure d’une pureté exceptionnelle et est affecté par la présence de modes-B non primordiaux (notamment émis par des poussières dans notre galaxie) qu’il convient de soustraire. La thématique des modes-B de polarisation est au cœur de la cosmologie contemporaine, comme l’illustre le fait que le prix Grüber de Cosmologie a été décerné cette année à trois physiciens pour leurs travaux théoriques sur cette question. L’un d’entre eux, Matías Zaldarriaga, est argentin et en contact étroit avec QUBIC.

L’instrument

QUBIC est un instrument qui a été conçu spécifiquement pour la détection de ces modes-B de polarisation. Il est le fruit d’une collaboration entre 130 chercheurs et ingénieurs en France, Italie, Argentine, Royaume-Uni et Irlande.
C’est en particulier en France au laboratoire Astroparticules et Cosmologie (APC, CNRS / Université Paris Cité / Observatoire de Paris / CEA), situé à Paris, que l’instrument et son concept ont été développés depuis 2008, construit et intégré en 2018 et testé entre 2019 et 2020 avant d’être envoyé en Argentine pour y être installé sur son site d’observation à 5000 mètres d’altitude. Ce projet extrêmement innovant a nécessité l’emploi de l’ensemble des compétences existantes au sein du laboratoire, tant au plan scientifique (simulations, traitements de données) que technique (mécanique, électronique, instrumentation).

Le concept de QUBIC est totalement innovant puisqu’il s’agit du tout premier “interféromètre bolométrique” qui combine la sensibilité ultime 2 des détecteurs bolométriques refroidis à -273 °C avec la pureté de mesure de l’interférométrie. QUBIC offre en outre la possibilité de faire de la spectro-imagerie, c’est-à-dire mesurer simultanément la couleur de tous les pixels d’une image du ciel, le seul moyen de soustraire la contamination par les modes-B non primordiaux. QUBIC sera installé sur le plateau de La Puna, dans le nord de l’Argentine, à 5000 m d’altitude, près de la ville de San Antonio de los Cobres, dans la province de Salta. L’instrument est arrivé à Salta en juillet 2021 et est en cours de tests dans le hall d’intégration construit pour QUBIC sur le site de CNEA Regional Noroeste (Salta). Les tests ont confirmé que l’instrument n’a pas été endommagé durant le voyage et fonctionne conformément aux spécifications.

Les infrastructures sur le site sont en cours de finalisation (après des retards consécutifs à la pandémie) et l’installation de l’instrument sur site est prévue pour début 2023. QUBIC permet de détecter des signaux d’une puissance de l’ordre 10 pW, soit la puissance reçue d’une bougie à 3000km (soit la distance entre Paris et Le Caire).

Compétition internationale

QUBIC est en compétition avec une demi-douzaine d’autres instruments pour la recherche des modes-B primordiaux : BICEP/KECK, CLASS, SPIDER aux États-Unis, Ali-CPT en Chine et le projet de satellite Japonais (avec forte contribution Européenne) LiteBIRD (prévu pour 2030). Tous sont des variations du concept instrumental classique d’un télescope et n’offrent pas les particularités de QUBIC en termes de pureté de mesure et de spectro-imagerie que l’on doit à l’interférométrie. Les sensibilités de ces instruments sont comparables et la découverte finale devra de toute façon être confirmée de manière indépendante par plusieurs équipes, tant cette découverte aura de retentissement dans la communauté scientifique et au-delà.
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1. Le “rayonnement à 3 K” ou CMB (pour Cosmic Microwave Background en anglais), un rayonnement relique de la prime enfance de l’Univers, l’une des sources d’information les plus riches pour les cosmologistes, qui a déjà donné lieu à trois Prix Nobel (1978, 2006, 2019).
2. QUBIC permet de détecter des signaux d’une puissance de l’ordre 10 pW, soit la puissance reçue d’une bougie à 3000km (soit la distance entre Paris et Le Caire).

L’instrument QUBIC, en cours de tests dans le hall d’intégration de la CNEA à Salta (Argentine).
Crédits : collaboration QUBIC

Bibliographie

Le 21 avril 2022, une édition spéciale du Journal of Cosmology and Astroparticle Physics (JCAP), exclusivement consacrée à QUBIC, est publiée avec 8 articles qui décrivent le concept instrumental, présentent les résultats des tests de laboratoire sur le fonctionnement de tous ses composants et les données scientifiques capacités de l’instrument. Plus d’infos sur le site web de QUBIC.

Cet article a été initialement publié sur le site de l’APC.