E6 : Les sursauts gamma à l'ère des multi-messagers
Malgré les progrès récents dans la science des sursauts, obtenus en particuliers grâce aux missions spatiales Swift et Fermi, il y a encore beaucoup de questions ouvertes. L’une d’entre elles concerne le mécanisme physique qui sous-tend ces explosions extrêmes (en une poignée de secondes l’équivalent isotropique de l’énergie émise s’étend de 1050 à 1054 erg, ce qui fait des sursauts les événements les plus brillants de l’Univers), qui est toujours débattu plus de 40 ans après leur découverte. En particulier, le contenu du jet relativiste qui produit les sursauts, doit encore être identifié : particulièrement le facteur de Lorentz du jet, sa magnétisation, son contenu en baryon et ses conséquences sur la possibilité qu’ont les sursauts d’être la source des rayons cosmiques d’ultra hautes énergies (UHECR en anglais).
Vue Schématique d’un sursaut gamma. Crédits NASA.
De plus, bien qu’il y ait un consensus sur la nature du progéniture des sursauts longs, comme étant de étoiles très massives, la nature des sursauts courts fait encore débat. Les modèles les plus populaires invoque la coalescence de deux objets compacts (trous noirs ou étoiles à neutrons), mais une preuve directe de ce scénario est toujours manquante.
Spectre des sursauts : les hautes énergies
L’observation par Fermi/LAT de plusieurs photons avec des énergies atteignant 50-100 GeV dans le référentiel de la source est encourageant sur les perspectives de détection de sursauts par les prochaines générations d’instrument qui opéreront dans le domaine du GeV et du TeV. En particulier l’expérience CTA devrait observer entre 0.5 et 2 sursauts par an (Inoue et al., Astropart. Phys. 43, 252, 2013). Durant la durée de vie de la mission SVOM, quelques sursauts seront mesurées dans le domaine 0.05-0.5 TeV par CTA, c’est d’autant plus important après la rémanence importante détectée au GeV pour le sursaut GRB 130427A (Tam et al., ApJ, 77, L13, 2013).
Une analyse conjointe des spectres résolus en temps avec les données SVOM et CTA aidera à la compréhension des mécanismes d’accélération et d’émission prenant place dans les jets des sursauts. L’étude de l’émission prompte depuis le domaine d’énergie sub-MeV au sub-TeV peut permettre de distinguer entre les modèles leptoniques et hadroniques et permettra d’explorer la possibilité que les sursauts sont à l’origine des rayons cosmiques d’ultra-haute énergie ce qui permettra de répondre à cette fascinante question de l’origine des rayons cosmiques observés sur Terre avec des énergies supérieures à 1010 GeV.
GRB et nouveaux messagers
Pour le moment, les neutrinos et les ondes gravitationnelles détectés par les expériences dédiées n’ont pu être corrélés avec aucune source astrophysique. Grâce à leur courte durée et leur flux élevé, les sursauts gammas représentent sans doute la meilleure contrepartie électromagnétique, et une détection simultanée serait une avancée décisive, débutant ainsi l’ère astronomique pour ces deux domaines de recherche.
Neutrinos : les neutrinos sont des messagers particulièrement intéressants pour l’étude de l’Univers à haute énergie. Ils sont neutres, stables et intéragissent faiblement, ils voyagent directement de leur lieu de création jusqu’à l’observateur sans être absorbés ni défléchis. Les neutrinos peuvent jouer un rôle important dans la compréhension des processus d’accélération des rayons cosmiques, leur détection en provenance d’une source identifiée étant une signature de processus d’accélération hadronique. En effet, les neutrinos de haute énergie sont produits par des désintégrations de mésons (principalement des pions π) issus de collisions hadroniques provenant de l’interaction de hadrons accélérés (protons ou noyaux) avec le milieu ambient ou avec le champ de photons local. Les neutrinos émis ont typiquement 10% de l’énergie des protons incidents. La production de neutrinos de 1014 eV nécessite l’accélération de protons jusqu’à 1015eV, ce qui est attendu même si les sursauts gammas ne sont pas la source des UHECRs. Selon les modèles considérés, ces neutrinos de haute énergie sont émis en coïncidence ou en précurseur de l’émission gamma.
Ondes gravitationnelles : une nouvelles génération de détecteurs à ondes gravitationnelles est actuellement en construction et atteindront leur sensibilité nominales dans les années 2018-2020 : Advanced LIGO, Advanced Virgo et Kagra. Grâce au gain d’un ordre de grandeur en sensibilité par rapport à la génération d’instruments précédente, ces détecteurs auront sans doute atteint la sensibilité requise à la détection du premier signal d’onde gravitationnelle. Les sursauts gammas sont probablement une source importante d’onde gravitationnelle. Les modèles courant pour les sursauts courts impliquent la coalescence de deux objets compacts (étoile à neutrons ou trous noirs), et pour les sursauts longs la mort d’une étoile massive. Les modèles prédisent une signature caractéristique d’onde gravitationnelle lors de la phase finale en spirale de deux objets compacts sur le point de coalescer. La détection simultanée d’un tel signal avec la détection conjointe d’un sursaut gamma court serait une preuve de la nature double du progéniture des sursauts courts. Les signaux d’ondes gravitationnelles avant et après la coalescence pourrait indiquer les masses et spin du nouvel objet ainsi formé, sa nature et pourrait également placer des contraintes sur l’équation d’état de la matière dense (T. Hinderer, et al., Phys. Rev. D 81, 123016, 2010).
Group Leader : Diego Götz (AIM) Co-Leader : Cyril Lachaud (APC)
B. Cordier, A. Claret , S. Schanne, T. Stolarczyk (AIM), D. Allard, B. Baret, F. Casse, E. Chassande-Mottin, E. Le Bigot, F. Lebrun, P. Laurent, V. Savcenko, V. Beckmann, A. Goldwurm (APC), S. Vergani (GEPI)
SVOM
SVOM : accronyme de « Space based Variable astronomical Object Monitor «. C’est une mission spatiale sino-française pour l’étude des sursauts gammas qui devrait être lancée en 2021. Elle est développée en France par le CNES en collaboration avec le CEA Irfu/SAp (AIM), l’APC, l’IRAP et le LAM. La France fournira une caméra grand champ à masque codé (ECLAIRs, 4-150 keV), et un télescope petit champ à rayons-X (MXT, 0.2-10 keV).
CTA
Cherenkov Telescope Array. C’est la prochaine génération d’instrument au sol pour la détection des photos de très haute énergie (E> 10 GeV). Ce sera un observatoire ouvert à une large communauté d’astrophysiciens et fournira de précieuses informations sur l’Univers à haute énergie.
ANTARES
La collaboration ANTARES a construit un gigantesque détecteur Chrenkov sous la mer Méditerranée afin de détecter les muons issus de neutrinos de haute énergie d’origine astrophysique.
Advanced Virgo/Ligo
Virgo et Ligo sont des détecteurs d’ondes gravitationnelles. Leur mise à jour devrait les rendre à nouveau opérationnel en 2017. Ces futurs détecteurs devraient pouvoir localiser la coalescence d’étoiles à neutrons jusqu’à un redshift de 0.1 (signature attendue pour les sursauts courts). Une photo de Virgo est montrée ci-dessous.
AUGER
L’observatoire Pierre Auger est une collaboration internationale réunie autour de la détection des rayons cosmiques d’ultra hautes énergies : des particules voyageant à la vitesse de la lumière avec des énergies au delà de 1018 eV (atteignant même 1020 eV). Le schéma de l’observatoire est montré ci-dessous. Les lignes bleues représentent les champs de vue des différents détecteurs de fluorescence (FD, 4x6=24). Les points noirs représentent les détecteur Cherenkov de surface (SD, 1600). Les points rouges sont des sites avec une instrumentation particulière (lasers, etc…)
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20 août 2014, 12:18